Un ticket modérateur de 100 euros devra être payé par une majorité des salariés utilisant leur CPF à compter du 2 mai 2024. Le décret instaurant cette mesure devant permettre 200 M€ d’économies budgétaires est publié au Journal officiel du 30 avril 2024. Seuls les demandeurs d’emploi, les salariés bénéficiant d’un cofinancement de leur employeur et ceux utilisant leur C2P seront exonérés de cette participation financière "obligatoire", dont le montant sera revalorisé annuellement en fonction de l’inflation. Le décret fixe aussi la liste des tiers pouvant prendre en charge cette participation.
Le décret n°2024-394 du 29 avril 2024 "relatif à la participation obligatoire au financement des formations éligibles au compte personnel de formation" est publié au Journal officiel du mardi 30 avril. Il acte que la participation du titulaire du CPF au financement de sa formation "est fixée à la somme forfaitaire de 100 euros". Ce ticket modérateur sera finalement effectif dès le 2 mai 2024, soit un jour plus tard que ce qu’avait annoncé le ministère du Travail aux partenaires sociaux il y a moins d’un mois.
Prévue par loi de finances pour 2023, cette participation financière des titulaires du CPF au financement de leur formation a vu son instauration s’accélérer ces dernières semaines dans le cadre des économies demandées au ministère du Travail pour 2024. Du point de vue pratique, ce ticket modérateur devra être payé par le titulaire du CPF auprès de la CDC, via Mon Compte Formation, a indiqué le ministère du Travail aux partenaires sociaux.
EXONÉRATIONS ET PRISE EN CHARGE
L’ensemble des titulaires du CPF ne sont toutefois pas soumis à ce reste à charge. Selon l’article L.6323-7 du code du travail, en sont ainsi exonérés les demandeurs d’emploi et les salariés "lorsque la formation fait l’objet d’un abondement" de la part de leur employeur. En revanche, ne figure plus dans la version du décret publié au Journal officiel la précision permettant d’ouvrir le bénéfice de cette exonération "lorsque l’abondement est versé par l’employeur en application d’un accord d’entreprise ou de groupe, d’un accord de branche ou d’un accord conclu par les organisations syndicales de salariés et d’employeurs gestionnaires d’un opérateur de compétences".
De plus, le décret prévoit que les salariés utilisant tout ou partie des points inscrits sur leur C2P (compte professionnel de prévention) ou bénéficiant d’un abondement de leur CPF par le Fipu (Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle) dans le cadre d’une reconversion professionnelle liée à une incapacité permanente, sont également exonérés du ticket modérateur de 100 € sur leur formation.
En dernier lieu, il est prévu que la participation financière peut être prise en charge, à la place du salarié, par l’employeur ou par son Opco. Une prise en charge qui devra s’effectuer "selon des modalités définies avec le titulaire en dehors de la plateforme Mon Compte Formation", avait précisé le ministère du Travail le 11 avril.
INDEXATION SUR L’INFLATION
Le décret précise les modalités de revalorisation de cette participation financière verra son montant actualisé "au 1er janvier de chaque année, à due proportion de l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, calculée sur la base des douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques l’avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation de ce montant et fixé chaque année par arrêté conjoint des ministres chargés de la formation professionnelle et du budget".
L’instauration d’un reste à charge pour les utilisateurs du CPF a fait l’objet d’un long bras de fer entre le ministère de l’Économie et celui du Travail dont la dégradation des finances publiques aura eu raison. Contestée par l’ancienne ministre Muriel Pénicaud lors de l’annonce de son principe fin 2022, cette décision reste dénoncée par les organisations syndicales.
UN RISQUE DE MOINDRE RECOURS
Selon le dernier rapport d’activité de France compétences, parmi les salariés et les indépendants, 41 % des utilisateurs du CPF avaient un niveau de diplôme inférieur au Bac en 2022, alors que cette population ne représente que 33 % des actifs en emploi. Jusqu’à présent, "les employés et ouvriers sont ceux qui payent le moins fréquemment un reste à charge : en 2022, 8 % d’entre eux ont contribué au financement de leur formation, contre 10 % des cadres ou assimilés et 11 % des demandeurs d’emploi", précise l’institution nationale chargée de la régulation et du financement du système de formation professionnelle.
En outre, "les ouvriers et employés "sont ceux qui payent le plus faible reste à charge (24 euros) comparativement aux demandeurs d’emploi (46 euros), mais également aux cadres (53 euros), qui bénéficient par ailleurs d’une prise en charge des coûts de leur formation par l’entreprise en moyenne plus importante (32 euros contre 10 euros pour les employés et ouvriers)". Malgré ces disparités, la monétisation du CPF a eu indéniablement "un effet de réduction des écarts dans l’accès à la formation". Les employés (26 %) et ouvriers (15 %) étaient ainsi, toujours en 2022, en deuxième et troisième positions parmi les utilisateurs du CPF, derrière les chômeurs (29 %) mais loin devant les cadres (11 %). Avec une surreprésentation des salariés dans les petites et moyennes entreprises qui sont historiquement caractérisés par leur recours plus faible à la formation continue.
2,6 MILLIARDS D’EUROS EN 2022
Selon Bercy, l’instauration du reste à charge, aujourd’hui fixé à 100 euros mais appelé à augmenter dès 2025, devrait générer 200 millions d’euros d’économies sur le budget du ministère du Travail dès 2024. Victime de son succès mais aussi de dérives frauduleuses, le CPF monétisé a vu son coût pour les finances publiques rapidement dépasser les prévisions gouvernementales. Des mesures de régulation décidées par l’exécutif et la Caisse des dépôts qui assure sa gestion, sont venues inverser la tendance ces trois dernières années, avec des résultats probants : en 2022, 1,804 million de dossiers CPF ont été validés pour un montant total engagé net de 2,598 milliards d’euros, contre 2,099 millions de dossiers et 2,851 Md€ engagés l’année précédente.
Pour mémoire, le coût unitaire moyen d’un dossier CPF était de 1 473 euros hors rémunération en 2022, le reste à charge supporté par les utilisateurs s’élevant alors, en moyenne, à 37 euros, soit 2 % du coût unitaire global. Un autre décret doit être publié incessamment pour exclure certains cas de recours au CPF pour financer un permis de conduire, en particulier pour les deux roues dont le coût vient de franchir la barre des 100 millions d’euros depuis l’entrée en vigueur de cette possibilité au 1er janvier dernier, selon Les Échos datés du 30 avril.