L’interdiction de la prospection commerciale des titulaires d’un CPF, actée par une loi votée en décembre 2022, réinterroge les pratiques des prestataires de formation. L’encadrement de la sous-traitance, une mesure dont les contours restent encore à définir, risque de bousculer encore davantage le marché.


Les pratiques abusives et frauduleuses se sont multipliées sur le marché du compte personnel de formation (CPF) ces dernières années. Ces dérives ont contraint les pouvoirs publics à agir en contrôlant davantage les offres éligibles et en instaurant de nouveaux verrous. Une nouvelle étape a été franchie le 19 décembre 2022 avec le vote de la loi visant à lutter contre la fraude au CPF qui interdit désormais la prospection commerciale des titulaires d’un CPF. Cette mesure qui vise à mettre fin au démarchage abusif et aux arnaques associées impose aux prestataires de formation de revisiter leurs pratiques.

La prospection individuelle remise en cause

Appels téléphoniques, SMS, courriers électroniques et messages sur les réseaux sociaux : l’usage de ces outils de prospection est désormais interdit pour collecter des données à caractère personnel auprès des titulaires d’un CPF et pour leur vendre des actions de formation. En cas de non-respect de ces nouvelles règles, les prestataires risquent une amende dont le montant peut atteindre 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.

Se concentrer sur des médias de masse

Pour Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation de Centre Inffo, « le texte vise les canaux de communication qui ciblent individuellement une personne. La prospection commerciale reste possible dès lors qu’il s’agit d’une communication générale et interpersonnelle n’impliquant pas le recueil de données personnelles en amont. » Pour faire connaître leur offre éligible au CPF, les prestataires de formation doivent désormais se concentrer sur des outils plus traditionnels de portée collective – radio, affichage, télévision, presse écrite, sites Internet, salons ou autres événements, etc.

Une exception pour les titulaires en cours de formation

Solliciter commercialement les titulaires d’un CPF par téléphone, courrier électronique, SMS ou via les réseaux sociaux reste possible, mais dans un champ très restreint. Seule exception prévue par la loi : la prospection dans le cadre « d’une action en cours » et pour une offre « en lien direct avec l’objet de celle-ci ». « Un prestataire pourra par exemple prendre contact avec un client pour lui suggérer un bloc de compétences en relation avec la formation qu’il est en train de suivre. En revanche, il ne pourra pas profiter de cette action en cours pour lui proposer l’ensemble de son catalogue », commente Valérie Michelet, juriste senior au sein du pôle droit et politiques de formation de Centre Inffo. Reste à savoir ce qu’il faut entendre par « action en cours », à quel moment elle commence et à quel moment elle se termine. Le texte ne le précise pas.

Vers un encadrement de la sous-traitance

Autre mesure de la loi qui risque de perturber le marché : le renforcement des modalités de référencement sur « Mon compte formation ». Un sujet épineux. En l’état, le texte soumet les sous-traitants aux mêmes exigences que leur donneur d’ordre avec entre autres l’obligation d’être certifié Qualiopi alors que jusqu’à présent la loi ne l’impose pas. Cette mesure qui doit être précisée par décret vise, à l’origine, les intermédiaires référencés sur « Mon compte formation » qui sous-traitent l’intégralité des formations qu’ils proposent sans exercer aucun contrôle sur la qualité.

Donneurs d’ordre et sous-traitants logés à la même enseigne ?

Les pratiques de ces acteurs, qui se présentent parfois comme société de portage, ont occasionné des dérives malgré la régulation en place. Le prestataire qui fait appel à un sous-traitant doit en effet s’assurer que ce dernier respecte le référentiel Qualiopi. Et les conditions générales d’utilisation (CGU) de la plateforme précisent que le donneur d’ordre est responsable des agissements de son sous-traitants. De garde-fous insuffisants aux yeux du gouvernement qui a opté, par amendement, pour un encadrement plus strict de la sous-traitance. Un changement structurant qui inquiète le secteur et notamment les indépendants, comme l’a rappelé le sénateur Martin Lévrier, dans son rapport rendu lors de l’examen du texte.

Un décret très attendu

Appliquée indistinctement à tous les sous-traitants, cette mesure pourrait, selon lui « mettre en péril une partie du secteur de la formation ». D’où l’importance du décret d’application qui précisera la portée des futures obligations. Un travail de concertation avec les acteurs du secteur a été engagé par le gouvernement. Une mission délicate. « La notion de sous-traitance est complexe à cerner. Il existe tellement de cas de figure qu’il est difficile d’établir un modèle type », prévient Fouzi Fethi. A terme, le décret d’application nécessitera d’ajuster le système qualité, précise t-il. « Il faudra à minima préciser les indicateurs de Qualiopi applicables aux sous-traitants, voire procéder à une réécriture du référentiel ou alors créer une certification spécifique pour les sous-traitants qui interviennent sur le marché du CPF. »